Onco-esthécienne depuis une dizaine d’années au centre hospitalier Émile-Mayrisch à Esch-sur-Alzette, Fabienne Bruneel aide les patients atteints du cancer à retrouver une bonne estime d’eux-mêmes.
Avec sa mallette remplie de maquillage, de crème hydratante, de vernis à ongles, Fabienne Bruneel exerce une profession bien particulière au centre hospitalier Émile-Mayrisch à Esch-sur-Alzette. Elle est onco-esthéticienne. Depuis presque dix ans, cette esthéticienne de métier intervient au CHEM pour accompagner les patients atteints du cancer. Dans le service oncologie, elle suit des malades, hommes et femmes, qui souhaitent, pendant quelques instants, prendre soin d’eux-mêmes.
Qu’il s’agisse du cancer du sein ou d’une autre maladie, les chimiothérapies ou radiothérapies peuvent laisser des effets secondaires importants sur le corps des patients. Perte des cheveux, ongles fragilisés, rash acnéique, syndrome main-pied… Les conséquences des traitements peuvent être dévastatrices pour les patients. C’est pour adoucir le plus possible ces effets, mais surtout pour apporter un bien-être au malade qu’opère une onco-esthéticienne. «Notre rôle est de redonner une bonne estime de soi au patient», explique Fabienne Bruneel.
Du conseil pour le choix d’une perruque aux soins de relaxation en passant par des exercices pour redessiner les sourcils, les activités d’une onco-esthéticienne sont variées. «Nous intervenons au moment où le patient va entamer un traitement. On parle individuellement des effets secondaires de la maladie, mais aussi de tout ce qui peut aider le patient à les limiter, comme les produits cosmétiques à utiliser, etc. C’est quelque chose qui fait partie de la prise en charge globale du patient (…). Pour le cancer du sein, on évoque aussi avec la patiente la question de la reconstruction mammaire, des soutiens-gorges préformés, la mastectomie. On donne des conseils sur la cicatrisation…»
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En plus de son rôle au centre hospitalier d’Esch, Fabienne Bruneel intervient également à la Fondation Cancer. Dans cette structure, elle organise des ateliers autour du maquillage à destination des femmes atteintes du cancer. «Nous faisons des tutos maquillage pour que les femmes apprennent à réaliser un maquillage express bonne mine. Un peu de poudre, du blush et c’est tout. C’est peu, mais c’est déjà quelque chose qui leur fait beaucoup de bien», explique-t-elle.
Un moment pour soi qui reste rare quand on affronte la maladie. Pour certaines femmes, d’ailleurs, ces instants-là étaient déjà peu présents avant le cancer. «Le travail, les enfants, le mari, les courses. Il y a des femmes qui ont des vies à cent à l’heure. Elles ne prennent pas du tout soin d’elles. Je pense que c’est aussi une question de générations. C’est quelque chose que l’on voit davantage chez les personnes plus âgées que chez les plus jeunes, qui ont plus l’habitude de prendre soin d’elles.»
«Le ciel leur tombe plusieurs fois sur la tête»
Au-delà des soins de relaxation, les onco-esthéticiennes sont surtout là pour redonner de la dignité aux malades. «Le terme d’esthétisme est un peu galvaudé. On ne parle pas vraiment de beauté ou de quelque chose qui pourrait être superficiel.» Elle poursuit : «Pour une femme, se voir le crâne nu, sans sourcils est quelque chose de très dur psychologiquement. Le parcours est aussi traumatisant. Le ciel leur tombe plusieurs fois sur la tête. Il y a l’annonce de la maladie, les traitements, les effets secondaires, le regard des autres, le regard que l’on a sur soi-même. Alors, moi, j’essaie, à mon niveau, de leur redonner le moral et de leur procurer un peu de joie de vivre.»
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’onco-esthéticienne âgée de 53 ans a décidé de s’orienter vers ce métier il y a plus de dix ans. «J’étais esthéticienne depuis l’âge de 21 ans. Vers l’âge de 40 ans, je tournais un peu en rond. J’aimais mon travail, mais je voulais l’adapter à une autre population. Et à force de chercher une formation d’onco-esthéticienne, j’en ai trouvé une à Paris», raconte-t-elle.
J’essaie, à mon niveau, de redonner le moral et un peu de joie de vivre aux malades
Pendant un an, elle étudie ce domaine peu connu, puis obtient son diplôme. «Grâce à cette certification universitaire, on peut travailler en milieu hospitalier, en oncologie, en psychiatrie, en addictologie ou même en gériatrie. Certaines onco-esthéticiennes travaillent par exemple dans des foyers dans lesquels des femmes ont été victimes de violences ou sont dans une situation de grande précarité», explique Fabienne Bruneel.
Aujourd’hui, encore, l’onco-esthéticienne continue de se former. «On ne s’improvise pas dans cette profession. On est formés par des médecins et des infirmiers durant notre parcours d’études», explique-t-elle. Au Luxembourg, deux onco-esthéticiennes accompagnent les patients atteints du cancer. «Ma collègue se trouve au CHL. Cela peut paraître peu, mais nous suivons beaucoup de patients. Je suis à environ à six malades par jour (…). Je pense aussi que c’est une profession qui reste peu connue et il faut être bien formée avant de l’exercer.»
«Merci d’exister»
En dix ans de carrière dans le domaine de l’oncologie, Fabienne Bruneel a rencontré des centaines de patients. À chaque fois, les moments qu’elle a partagés avec eux étaient tous remplis d’émotion. Car en plus de redonner confiance aux malades, elle a aussi un rôle d’écoute. «On ne remplace pas les psychologues, mais on essaie de dialoguer le plus possible avec le patient. Les infirmiers ou médecins n’ont pas toujours le temps de le faire, parce qu’ils ont beaucoup de personnes à voir, mais nous, on essaie de rester le plus longtemps possible avec le malade.»
Et parfois des liens solides se créent. «Je me souviens d’une patiente qui m’avait dit : merci d’exister. C’était un compliment incroyable qu’elle me dise que, oui, il y a le médical et il reste essentiel, mais que toutes les professions à côté ont aussi un rôle primordial.» En dix ans, elle a aussi vu les bénéfices chez certains patients. «Durant la maladie, il y aura toujours des hauts et des bas. Mais une personne qui essaie de garder le moral, d’avoir une vie sociale, de pratiquer une activité sportive et de prendre soin d’elle-même, aura toutes les chances de guérir.»
Sept dépistages anormaux sur 40 correspondent à un cancer
Au Luxembourg, pour 1 000 tests de dépistage par mammographie réalisés en moyenne dans le cadre du programme de dépistage, 40 présentent des résultats anormaux. Parmi ces 40 dépistages et à la suite d’examens complémentaires, sept cas de cancer sont détectés.
D’après les chiffres de la Fondation Cancer datant de 2022, chaque année, environ 1 000 personnes meurent des suites d’un cancer. Cela représente un quart des décès répertoriés dans le pays. Le cancer du sein est la tumeur la plus meurtrière chez les femmes au Luxembourg. En 2022, sur les 540 décès par cancer, plus de 100 cas étaient liés au cancer du sein. Suivent ensuite le cancer du poumon (81 cas), le cancer du pancréas (52 cas) et le cancer colorectal (47 cas).